D'une
certaine façon, le super-héros est le parachèvement du rêve de pouvoir et
d'aventure. Des capacités par définition extraordinaires et le plus souvent
uniques, une identité parallèle haute en couleur, remarquable et en général
célèbre, le destin du monde sur les épaules (et la capacité de l'assumer), et
des ennemis personnels, intimes et grandioses à la fois, par lesquels on peut
prouver encore et encore la légitimité de sa gloire.
Avec, en sus, l'essor récent du genre sur les grands écrans
du cinéma (et, avec plus ou moins de bonheur, sur nos écrans de télévision), le
genre est en plus sorti du carcan de la page de comics pour s'étaler au grand
jour dans l'imaginaire et la passion du public.
Avec tout ça, le genre a potentiellement de quoi séduire les
rôlistes à tous les niveaux.
Alors voyons un peu de quoi il retourne, et ce qui attend
les tablées qui veulent se lancer dans l'aventure.
Un genre riche. VRAIMENT riche.
Fondamentalement,
le genre du super-héros a toujours une racine unique.
Des individus, humains ou pas d'ailleurs, se trouvent dotés
de capacités hors-normes, et s'investissent d'une mission, en général de
justice, adoptant pour l'accomplir une identité spéciale, souvent livrée avec
un costume particulier.
Même si des déclinaisons existent aujourd'hui en grand
nombre, la base du genre est américaine jusqu'au bout des ongles.
Elle vient d'une époque et d'un pays où la justice était (et
peut encore être) une affaire de citoyens ordinaires autant que des forces de
l'ordre, et où l'accomplissement de l'individu est censé être une valeur et une
possibilité fondamentale.
A l'origine, le super-héros est par définition une
incarnation du "rêve américain".
Mais très vite, et aussi pendant très longtemps, dans la
mesure où le genre va peu ou prou atteindre son siècle d'existence, la
littérature du comics s'est diversifiée.
Aujourd'hui, on dénombre de nombreux styles, et autant d'approches
sur ce concept de base.
Les amateurs du genre pourront vous parler d'Ages d'Or,
d'Argent et d'Acier, du style "4 Couleurs", du "Mainstream"
ou encore du "Modern".
Chacun de ces styles se définit par des thèmes et des
variantes sur la moralité des héros (du manichéisme chevaleresque aux
anti-héros sur-violents), le type d'aventures rencontrées (fantaisistes, hautes
en couleurs, ou marquées par les subtilités des dilemmes sociaux et moraux de
leurs époques) ou encore de la considération données aux super-pouvoirs et à
leur fonctionnement (simples et merveilleux, ou avec des tentatives de
rationalisation et de vraisemblance, tant que faire se peut).
Ces distinctions font l'objet d'articles, voire de thèses
entière, et avec raison, tant ils sont vraiment particuliers, détaillés, et
intéressants autant d'un point de vue littéraire que culturel et social pour l'époque
et le pays qui les a produits.
Un supplément du jeu américain Mutants & Masterminds, consacré spécifiquement à l'ambiance et aux conventions du style "Age d'Or" du comics. |
Si le sujet vous intéresse, vous trouverez, y compris en français, nombre d'explications intéressante à ce sujet, ne serait-ce que sur Internet.
En ce qui concerne le rôliste en tout cas, il peut être
utile qu'un groupe qui souhaite s'intéresser au genre se mette un tant soit peu
d'accord sur les conventions avec lesquelles ils veulent jouer.
Leurs héros respectent-ils les lois, ou au moins leur esprit,
ou peuvent-ils appliquer les mêmes méthodes que leurs ennemis ?
Seront-ils des égaux des plus grands et plus puissants
super-héros connus, ou au contraire le jeu s'intéressera-t-il à des personnages
dont la détermination est plus importante que les super-pouvoirs ?
Les questions sont potentiellement nombreuses, et fort
heureusement, la plupart des jeux de rôles récents sur le sujet contiennent des
recommandations et des explications salutaires sur les différents styles et leurs
implications.
Super ou Héros ?
Mais
pour le JdR les questions ne s'arrêtent pas forcément là.
Le genre des super-héros est en effet profondément codifié.
Mais, même en acceptant les conventions sur le genre que le
groupe a pu mettre en place, le jeu de rôle nous donne quand même la chance
d'explorer plus librement les univers auxquels on touche, plutôt que de
répondre aux exigences d'un script purement figé.
Et c'est là qu'une partie du succès ou de l'échec d'une
partie de JdR sur ce thème va se déterminer.
Parce que le plaisir du jeu de rôle, pour les joueurs, c'est
aussi de pouvoir INCARNER le personnage.
Et comme on l'a vu, le super-héros est, d'un certain point
de vue, la réalisation ULTIME du concept de l'aventurier et du héros.
La Justice League telle que popularisée par la version animée de l'univers de DC. Sous des dehors éclectisme apparents, une optique morale et scénique très précise. |
Le joueur peut donc légitimement avoir quelques attentes
quand on lui propose un personnage pareil.
Il peut donc être très pertinent de savoir ce qui le fait
vibrer en priorité, parce que le jeu va fonctionner d'autant mieux si tout le
monde peut tirer un maximum de l'expérience.
Est-ce que ce sont les super-pouvoirs ?
Après tout, le super-héros est grandement défini par eux, et
le joueur peut avoir envie de "ressentir" pleinement cette distinction
qui rend son personnage unique et extraordinaire.
Il peut donc être pertinent qu'on choisisse un système de
règles autant que des épreuves et défis dans le scénario qui mettent l'accent
sur la disparité de pouvoirs ou les particularismes entre le super-héros et le
commun de mortels.
Dans la mesure où certains jeux, pour diverses raisons de
conception, articulent dès le départ leurs règles AUTOUR du statut des personnages,
et nivellent à partir de là, l'effet produit ne sera pas le même selon le jeu utilisé.
Ou alors le joueur est-il fasciné par l'héroïsme, dans le
sens le plus strict, dont les super-héros s'astreignent à faire preuve ?
Le sens du devoir, du sacrifice, et souvent aussi de la
retenue et de la rectitude morale, même (et surtout) quand l'émotion suggère le
contraire, autant d'aspects récurrents dans les histoires de super-héros qui
enflamment l'imagination. Certains héros sont ainsi devenus des icônes du genre
non pas parce que leurs pouvoirs les rendaient meilleurs que nous, mais parce
que les auteurs en faisaient des piliers de force de caractère et de bonté, des
parangons d'une vertu qui, sublimée, n'a rien de ridicule ou de risible.
Peut-être que le joueur est avant tout enthousiasmé par les
aventures débridées, éclectiques et les batailles dantesques qui émaillent les
pages des comics ?
La vie des super-héros est rythmée et définie par des
aventures extraordinaires, souvent épiques dans tous les sens du terme, et par
la grande diversité des épreuves, adversités et aléas qu'ils peuvent
rencontrer. Après tout, peu d'autres genres peuvent rendre
"cohérente" une invasion de métamorphes extra-terrestres qui sera
repoussée par une alliance de mutants, de magiciens, de cyborgs et de ninjas.
Et ça, c'est le quotidien de certains comics.
Le joueur pour qui cet argument sera un cheval de bataille
gagnera beaucoup à jouer dans un univers souple et riche, plutôt que par
exemple un jeu focalisé sur des justiciers de rue masqués affrontant la pègre
dans une surenchère de violence ordinaire.
Et les sujets de questionnement de ce genre ne s'arrêtent
pas là, tant ce qui peut attirer dans les comics peut varier d'un lecteur à
l'autre, et d'une œuvre à l'autre.
Là aussi, un peu de communication et de consensus AVANT de
jouer peut faire des miracles.
Action, drame et super-bagarres: la guerre des systèmes de jeu (et de l'Anglais LV1)
Enfin,
d'un point de vue général, même une fois pas mal de ces questions résolues,
celle qui va rester entière est encore celle du jeu à proprement parler.
Parce que le JdR de super-héros peut non seulement se
distinguer par toutes ces interrogations pratiques, mais aussi par l'approche que
le système de jeu va fournir.
Et les variations sont nombreuses.
Super-pouvoirs et capacités détaillés de façon millimétrée,
jusqu'au kilogramme près dans ce qu'un personnage peut soulever, ou les limites
de sa vitesse et de sa manœuvrabilité en vol clairement définies ?
Au contraire, la résolution des actions basée en majorité
sur l'investissement, les motivations et les enjeux de l'action héroïque ?
Un équilibre forcé créé entre les différents membres du
groupe pour une histoire au déroulement homogène, ou au contraire une
distinction claire entre les différents niveaux de pouvoir et leur hiérarchie ?
Dernier né des jeux de Super Héros franco- français, Hexagon Universe (ironiquement porteur d'un nom anglophone) a lui aussi une optique très précise pour la simulation de son approche du genre. |
Une action au rythme rapide à travers des résolutions
simplifiées pour reproduire le style endiablé des productions
cinématographiques ? Ou un découpage plus net et procédural, imitant la mise en
case des comics originels ?
Depuis le succès auprès du grand public du genre des
super-héros, les jeux sur le sujet, déjà disponibles en quantité honorable, se
sont multipliés. Grosses productions massives, ou petits indépendants du monde
numérique, le choix est vaste.
Le plus gros reproche que l'on pourrait faire à cet éventail
est la frilosité des éditeurs francophones quant aux traductions.
Alors même que la langue de Molière se pare de quelques
productions originales, aucune parution des ouvrages étrangers n'est prévue à
l'horizon, et ce malgré la multiplication des jeux de qualité, notamment
outre-atlantique, et ce pour tous les styles de jeu.
Pour profiter pleinement de l'offre dans le domaine des jeux
de super-héros, l'Anglais reste donc une triste nécessité (même si pendant un
temps, l'Espagnol pouvait être une alternative, dans la mesure où cette langue
bénéficiait de davantage de traductions).
Et cette obligation peut représenter un frein regrettable
dans notre loisir sur ce domaine.
Les
super-héros sont donc un sujet très vaste, en fait littéralement une approche
pour une multitude de genre très différenciés.
A condition de pouvoir se mettre un minimum d'accord, ils
représentent cependant pour les rôlistes un vivier d'opportunités uniques, de
par l'ampleur de leur variété, le souffle épique qui les caractérise, et le
côté très viscéral de la réalisation du rêve d'aventure qui les définit.
Et que ce soit pour côtoyer les héros de nos lectures et de
nos films, ou devenir les parangons de nos propres univers, le genre est une
des portes d'accès les plus directes et décomplexées vers le fantastique
incarné.
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