J’ai
récemment eu l’occasion de discuter avec un « vieux » Rôliste. 40 ans
depuis qu’il a commencé. Avec Dungeons & Dragons, l’original, celui qui
fête ses 40 ans tout pareil.
Avec mes 20 ans derrière l’écran, je me suis senti petit.
Mais pas tout à fait. Parce qu’on se comprenait (du moins je crois). Parce
qu’on avait une génération d’écart, peut-être, mais qu’on avait grandi avec le "même" Jeu de Rôle.
Non pas spécialement D&D, que j’ai, moi, découvert tard,
et pour lequel j’ai eu une aversion irraisonnée pendant longtemps en plus.
Mais avec ce loisir JdR à la réputation chancelante, à la
célébrité de niche, relégué aux curieux, aux "bizarres", aux
passionnés acharnés… ce JdR qu’on avait du mal à partager avec ceux qui ne
comprenaient pas.
Et je n’encense pas l’élitisme dans lequel on pouvait avoir
tendance à se draper à l’époque, à force de croiser dans le monde des "exclus" ou de marginaux, pour plein d’autres raisons que la simple
pratique de ce loisir, au demeurant, n’en déplaise aux "geeks" de
nos âges…
Mais avec cet interlocuteur, on s’est vite trouvé un terrain
d’entente. Sur l’investissement personnel qu’on pouvait mettre dans le jeu. Le
temps, la réflexion, la préparation, la volonté. Sur nos attentes. Sur cette
différence avec un simple loisir de consommation, et sur les "touristes", ceux qui font un peu de JdR à défaut d’autre chose, et
qui en fin de compte "ne font pas vivre le hobby". Et sur le coup,
c’était si naturel, si satisfaisant de se sentir compris, de partager un vécu,
que je n’y ai d’abord pas réfléchi.
Maintenant, ça me frappe un peu plus. J’ai parlé comme un "vieux grognard". Et j’ai enfin compris le sens de cette
expression.
Depuis qu’elle est apparue dans la sphère communautaire des
rôlistes, je l’avais toujours regardée en souriant un peu. J’avais de la
sympathie pour ces joueurs vétérans, qui faisaient face à un monde du jeu de
rôle toujours plus changeant, diversifié au point de ne plus pouvoir être
embrassé dans son ensemble, avec ses courants (parfois VRAIMENT surprenants),
ses hipsters, ses nouvelles logiques commerciales (parfois VRAIMENT
discutables), où, souvent, les "vieux" jeux étaient regardés avec
mépris, alors que ces "grognards" avaient non seulement vécu des
moments extraordinaires avec ces jeux, mais étaient toujours capables d’en
créér…
De la sympathie, oui. Mais je les trouvais toujours un peu
réactionnaires, aussi. Trop prompts à critiquer les nouvelles idées, les
approches différentes…
Et voilà qu’avec un "vieux de le vieille", je me
défiais soudain du nouveau marché, de la hype numérique, des jeux jetables, et
en veux-tu en voilà de raisons de faire mon râleur et de me targuer de
rechercher la simplicité et le "vrai" jeu… Oui, voilà que je parlais
comme un grognard…
Pourtant, je ne crois pas que j’en sois un. Pas tout à fait.
Et c’est là que j’ai réalisé que j’étais peut-être un
hybride, parce que j’étais de cette seconde génération de joueurs.
De celle qui a appris le jeu de la première, avec son
univers, ses références, son côté un peu retranché… mais aussi celle qui a été
aux premières loges de l’explosion de la bulle "geek", des MMO, de
l’Heroic Fantasy au cinéma (autrement que comme une vaste blague).
J’étais au cœur du loisir quand il a commencé à se
diversifier. Quand les Animés et les Mangas ont déferlé avec une toute nouvelle
approche visuelle de l’héroïsme. Quand les cartes à collectionner ont envahi le
marché (pour le meilleur et le pire) et ont fait le pont avec le monde du jeu.
Quand nos bouquins de règles ont commencé à être en couleur sur papier glacé
plutôt qu’en monochrome sur du recyclé. Quand Internet a révolutionné les
capacités de communication autour du jeu. Quand le concept du "narrativisme" a percé (au point de même devenir une mode aussi
pointue que la "Grognardise").
J’ai intégré toutes ces notions naturellement. Elles étaient
de mon âge, de mon époque. Elles ont envahi mon JdR tout aussi tranquillement.
Mon jeu est né des anciens, et il a grandi avec ces greffes, mais sans
s’effondrer pour autant.
Et je ne réalise que maintenant que je fais en fait un grand
écart passionnant entre le vieux monde du jeu, et le nouveau.
J’ai sur mes étagères des bouquins vieux de 30 ans, et
d’autres sortis cette année. Et je peux puiser dans les deux sans imploser…
Alors je ne suis pas (encore) un vieux grognard, pas (trop)
un jeune hipster ; mais j’ai une passion, qui se vit, et surtout par
définition est faite pour se partager.
Et pour fêter mes 20 ans derrière l’écran, pourquoi ne pas
chroniquer un peu la vie au contact du jeu, et parler de tout, de rien, de ce
que je vois, de ce que je fais, et de ce que j’aime ?
(d)20 ans derrière l’écran : la parole d’un rôliste qui
a joué, joue et jouera.
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