Sur l'article "Comment les femmes m'ont appris à m'intéresser à mes personnages" émi a écrit:
"Je voudrai bien que tu donnes un exemple concret de ton processus mssieur siouplé..."
Ce sur quoi j'ai découvert que le champ de réponse aux commentaires avait effectivement un espace un peu limité.Donc, émi, voici une réponse détaillée:
Emi, je ne peux que présumer que tu parles du processus de création d'un personnage... parce que de toute façon, je ne peux donner d'exemple que là-dessus, c'est le seul domaine où J'AI un processus :-P
Donc, essayons (et j'espère que je réponds bien à ta
requête):
Nous allons donc nous intéresser à Capria Maeris (un
personnage non joueur que j'ai effectivement mis en scène), qui est UNE général
de légion dans une société approximativement comparable à la république romaine
antique (à ceci près qu'elle est moins patriarcale, et que des femmes peuvent
effectivement y occuper des postes à responsabilité sans discrimination notable
- les joies de la fantasy).
Donc, Capria, que je vais situer aux alentours de sa milieu
de quarantaine, occupe le poste de général.
A priori, surtout dans ce genre de cadre, les clichés
associés sont masculins.
Alors plutôt que de me jeter de suite sur "quel genre
de général est-elle", je vais prendre l'autre bout de la ficelle, et voir
quel genre de femme, et donc de personne elle est.
Primo, la famille. Capria est issue d'une famille
prestigieuse, les Maeris, avec toute une lignée d'ancêtre glorieux (masculins
et féminins). Détail qui me vient en tête, si elle porte le patronyme encore
aujourd'hui, ça veut dire que, dans le cas des grandes familles, dans cette
culture, peut très bien être transmis par les femmes. Donc, je me note ça dans
un coin de ma tête.
Puisque je pense famille, je me dis qu'il serait logique
qu'elle soit mariée (la culture est monogame, au fait. Dans les deux sens).
Puisque le mariage n'exigeait pas d'elle une procédure
particulière pour garder son nom de famille, je vais même me dire qu'elle est
heureuse en ménage.
Au passage, je contemple, mais écarte quelques uns des
clichés habituels du/de la militaire marié(e), parce que... j'ai pas envie.
Mariage, ok, et, là encore parce qu'on parle de famille dans
le sens lignée, et d'une personne qui a un mariage heureux, des enfants.
Je pars du principe que tout ce qu'on a eu jusque là aurait
tendance à donner des enfants désirés, pas imposés par la pression culturelle
(du moins pas assez pour que j'en fasse une ficelle du personnage).
Au vu de la culture, et de la possibilité (re-vive la
fantasy) pour une femme de poursuivre sa carrière tout en ménageant des espaces
pour ses grossesses, avec son âge, au moins 3 enfants, dont au moins un en âge
d'exercer une profession et de faire sa vie.
Au passage, je me note que je ne sais pas encore si Capria
est grand-mère, mais que c'est une possibilité si je veux creuser l'angle
familial.
En tout cas on a donc une femme avec une carrière, un
mariage (au vu de l'ampleur de la famille, je me garde encore le choix de
savoir si son mari s'occupe du foyer ou s'il y a une batterie de serviteurs et
de nourrices pour ça... mais je prends le temps de me poser la question).
MAINTENANT, je peux créer le "Général Maeris", qui
est la facette du personnage que mes joueurs vont rencontrer en premier lieu au
vu du scénario.
Je sais qu'elle est mère, elle est également épouse, et
accessoirement la (grande) soeur du personnage d'un des joueurs.
Pour en faire un général, je n'ai plus qu'à greffer la
carrière là dessus en esquivant les clichés habituels liés à ces trois
positions de la femme.
Elle a le droit de penser à sa famille directe, son mari et
ses enfants, mais elle n'est ni démissionnaire, ni définie par ça. Dans la mise
en scène, elle sera donc une militaire professionnelle, qui a fait de son
métier un choix, par vocation et par dévouement envers les idéaux de sa nation.
Du coup, sa famille est partie intégrante de ces valeurs pour elle, et à grande
comme à petite échelle, elle a des raisons de remplir sa fonction.
Ajoutons-y une pincée de déformations professionnelles dues
à deux décennies passées dans l'armée (tics de langages, façons d'aborder les
priorités en situation de crise, etc... - je m'alimente ici des pré-établis
culturels que j'ai mis en place autour de sa république fictive), et là, je
sais que je peux me rabattre sur quelques clichés plus simples en surface,
parce qu'ils ne sont pas genrés, et je pourrai toujours les détourner ou les
casser si je dois approfondir le personnage par la suite.
Mais en gros, je prends garde au "la femme dans un rôle
d'homme" qui vient automatiquement avec une femme gradée dans l'armée, et
je construis un petit bout de cohérence autour de son genre, histoire de ne pas
me rabattre sur les clichés liés au sexe.
Armé de ça, j'ai assez sur le personnage pour pouvoir
l'interpréter avec une marge d'improvisation sans avoir à puiser dans les idées
reçues, celles sexistes en particulier.
Et en fin de compte, mon personnage est plus vivant, plus
naturel, plus tangible (pour moi, en premier lieu) que si je l'avais composé à
partir de pièces rapportées.
...
Et je tiens à dire que, ce qui peut paraître un sacré
boulot, SURTOUT pour un personnage qui n'a vocation à apparaître que dans un,
maximum deux scénarios, se passe en fait très vite dans ma tête, parce qu'à
force de pratiquer l'exercice, il est devenu, pour moi, aussi naturel que de
naviguer dans ma playlist sur mon smartphone... Je fais défiler, je clique ou
je jette.
Et promis, ça n'a rien de sorcier.
...
Maintenant, j'espère juste que je ne viens pas de faire un hors-sujet de la taille d'une novella ;-)
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